samedi 19 mars 2011

* L'intolérance électromagnétique

élucidée par André Fauteux

Des chercheurs français viennent de démontrer que les champs électromagnétiques

(CEM) modifient sensiblement la physiologie du sang et du cerveau des personnes électrosensibles et que l’impact sur ces marqueurs biologiques augmente et diminue selon l’intensité de l’exposition.



« Nous savons avec certitude que l’hypersensibilité électromagnétique n’est pas psychosomatique», nous a confirmé l’oncologue Dominique Belpomme en entrevue téléphonique. « Les CEM provoquent des effets majeurs dans le cerveau. Le plus important d’entre eux est l’ouverture de la barrière hémato-encéphalique. Cela permet au mercure, aux organochlorés et à d’autres polluants de pénétrer dans le cerveau, où ils causent diverses maladies neuro-dégénératives. »



20 nouveaux patients par semaine



Professeur d’oncologie à l’Université Paris Descartes, le Dr Belpomme est président

de l’Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (artac.info), qui s’est réorientée dans la prévention à partir de 2004. Depuis mai 2008, son équipe étudie ce qu’il a nommé le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques (SICEM).



« J’ai 450 malades et je vois jusqu’à 20 nouveaux cas chaque semaine, y compris des enfants qui ont des maux de tête, des troubles de la mémoire, de la concentration ou du langage. Nous avons la plus grande série européenne de malades électrosensibles. C’est un enjeu majeur de santé publique. »



Le SICEM est une réaction extrême à de faibles niveaux d’exposition aux champs

Électriques et magnétiques d’extrêmement basses fréquences (50-60 Hertz) émis par

les câbles et les appareils électriques ainsi qu’aux radiofréquences (10 megaHertz à

300 gigaHertz incluant les micro-ondes) des appareils sans fil et leurs antennes. Ce

syndrome est reconnu en Suède comme un handicap donnant droit à diverses modifications de l’environnement subventionnées par l’État afin de réduire l’exposition aux CEM.1



Les gens les plus sensibles sont souvent référés, à tort, en psychiatrie : leurs

symptômes (notamment cardiovasculaires, dermatologiques, neurologiques et musculaires) sont si graves qu’ils doivent se protéger des ondes à l’aide de vêtements,

rideaux, peintures et pare-vapeurs métalliques idéalement mis à la terre. D’autres déménagent carrément dans des forêts, grottes et autres endroits reculés, loin de

toute émission de CEM.



L’équipe du Dr Belpomme a mis au point une méthode diagnostique basée sur des tests sanguins et un électroencéphalogramme spécial (échographie Doppler pulsée) qui permet de visualiser les flux sanguins. « Ces patients ont avec certitude des troubles de vascularisation cérébrale, affirme l’oncologue. En outre, les tests biologiques réalisés démontrent que 30 % d’entre eux ont des taux élevés d’histamine, 50 % ont trop de protéines de stress, la plupart ont un taux de mélatonine (hormone anticancer) trop bas, et 30 % ont des niveaux d’anticorps et de protéines qui indiquent un choc thermique et témoignent d’une souffrance cérébrale. » Il ajoute que la moitié de ses patients sont également hypersensibles aux produits chimiques, les deux syndromes partageant les mêmes anomalies cérébrales.



L’oncologue nous a expliqué qu’il existe trois niveaux distincts de sensibilité aux polluants.



D’abord, il y a l’intolérance, engendrée par le polymorphisme. « Cela signifie que nous sommes tous différents. Par exemple, 30 % de la population est plus à risque de contracter un cancer », dit-il.



Ensuite, il y a la susceptibilité, facteur démontré par son collaborateur l’oncologue suédois Lennart Hardell qui a observé 16 familles plus électrosensibles en raison de leur hérédité génétique.



Il y a également des facteurs de susceptibilité actifs, « comme les amalgames dentaires qui se comportent comme des antennes » captant les ondes.



Enfin, l’hypersensibilité électromagnétique qui se manifeste en deux temps. « Le première phase est celle de l’induction par surexposition à une fréquence spécifique de CEM, soit de façon aigüe ou sinon chronique comme le fait de parler sur un téléphone mobile vingt minutes par jour, indique Dr Belpomme. Les premiers signes d’hypersensibilité sont la douleur et une sensation de chaleur dans l’oreille.



La deuxième phase est celle de la constitution de la maladie. On devient alors intolérant à toutes les fréquences. »



Des chercheurs chevronnés



Le conseil scientifique de l’Artac est présidé par le Dr Luc Montagnier, corécipiendaire en 2008 du prix Nobel de médecine comme codécouvreur du virus de ’immunodéficience humaine (VIH) à l’origine du sida. Et le coordonnateur des recherches de l’Artac, le docteur en nutrition Philippe Irigaray, est l’un des cinq experts internationaux récemment invités par le Fonds de recherche en santé du Québec à sélectionner les meilleurs projets de recherche en prévention des cancers environnementaux.



Philippe Irigaray souligne que le cerveau humain contient des magnétosomes, des oxydes de fer qui se comportent comme des aimants. L’électrosensibilité pourrait dépendre de

leur quantité, qui varie d’un individu à l’autre.



Ces chercheurs préparent actuellement cinq articles scientifiques sur l’électrosensibilité.

« Ça demande beaucoup de temps, dit Dominique Belpomme. Ils seront publiés dans un an ou deux. » Mais une action immédiate est nécessaire pour réduire la surexposition des gens aux CEM, a-t-il ajouté.



En France, on estime déjà que 5 % des gens sont électrosensibles, et la proportion augmente avec la popularité croissante des technologies sans fil. « Les études démontrent que de 10 à 50 % de la population risque de devenir très intolérantes aux champs électromagnétiques au cours des 25 à 50 prochaines années. J’ai deux cas de sclérose en plaques déclenchée après l’utilisation prolongée du téléphone cellulaire, trois cas de cancer du sein — deux récidives après surexposition à des champs électromagnétiques et un cas lié à l’utilisation d’ordinateurs — et des preuves anecdotiques également concernant l’autisme et la maladie d’Alzheimer dont le risque est beaucoup plus élevé que le cancer. Les liens de causalité avec les champs électromagnétiques sont très possibles. »



Heureusement, ce médecin arrive à soulager certains patients en administrant des tonifiants du système nerveux et en fermant la barrière hémato-encéphalique à l’aide de médicaments antihistaminiques.



Aucun lien établi, selon l’OMS



En 2005, l’Organisation mondiale de la santé affirmait2 que les symptômes éprouvés par les personnes qui se disent atteintes d’hypersensibilité électromagnétique (HSEM) pourraient être d’ordre psychosomatique ou reliés à diverses autres causes (problèmes visuels, mauvaise qualité de l’air, problèmes ergonomiques, etc.). « Il n’existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes de la HSEM à une exposition aux CEM.



Des études bien contrôlées et menées en double aveugle ont montré que ces symptômes n’étaient pas corrélés avec l’exposition aux CEM. »



Selon le Dr Dominique Belpomme, c’est de la bouillie pour les chats. « C’est un recul permanent de nature politique qui n’a rien de scientifique. L’OMS sera obligée de réviser son jugement dans les mois qui viennent. C’est un déni sociétal qui ne tient pas compte des connaissances actuelles qui évoluent en permanence. »



Selon cet oncologue, le lien de cause à effet entre l’exposition aux champs magnétiques et la leucémie ne fait plus de doute. « Quand on augmente la dose, on augmente le taux de leucémie.



Des dizaines d’études toxicologiques en laboratoire le démontrent de la façon la plus évidente, tant in vitro que chez l’animal. »



Pour sa part, la chercheure ontarienne Magda Havas3, de l’Université Trent, affirme que les études aux résultats négatifs concernant l’électrosensibilité comportaient des failles majeures. « Les chercheurs présumaient que les réactions sont instantanées alors que souvent il y a un délai entre l’exposition et la réponse. Les gens ne sont pas des interrupteurs qu’on peut allumer et éteindre.



Ces études insinuent erronément que si l’on ne peut pas sentir quelque chose, cela ne peut nous nuire. Or, on sait très bien que l’on ne peut pas détecter le goût de l’arsenic, du plomb, du DDT ni de l’amiante, mais ils sont tous toxiques. »

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